Immobilier et Urbanisme
Covid 19 : une nouvelle donne pour les villes moyennes ?
Le Groupement HEC Immobilier Urbanisme organise fréquemment des tables rondes sur des sujets d’actualité touchant à ses sujets de prédilection. Ainsi après avoir organisé une table ronde « in live » sur le thème de l’attractivité et la compétitivité des métropoles européennes, il a voulu savoir ce qu’il en était de l’attractivité en France des métropoles régionales et des villes moyennes. La rencontre était prévue avant l’arrivée du Covid… puis déplacée…et c’est donc naturellement que le sujet s’est orienté entre-autres sur l’effet du virus sur cette attractivité. Et bien sûr le débat a été organisé sur...Zoom le 20 octobre 2020.
Benoist Apparu, ancien Ministre du Logement, lors de la table ronde HEC Immobilier du 20 octobre 2020
Les intervenants représentaient des responsabilités et des territoires variés. Leur angle d’approche et leur réflexion étaient également différents et c’est cette complémentarité qui a rendu la conférence particulièrement intéressante.
Pour le Grand-Est nous avons pu profiter de la présence de l’ancien Ministre du Logement Benoist Apparu, aujourd’hui Maire de la ville moyenne de Chalon en Champagne et Président du directoire de IN’LI, et du témoignage du Directeur Général de l’agence de développement économique Invest in Reims, Jean-Yves Heyer.
Charlotte Sorrin Descamps, Directrice Générale Adjointe en charge du Développement de Bordeaux Métropole, nous a apporté son éclairage économique sur une ville dotée d’une image très attractive mais subissant des changements profonds. Enfin Cevan Torossian, Directeur Associé chez Arthur Loyd, a commenté les tendances du baromètre d’attractivité des villes que la société publie chaque année à partir de 75 indicateurs.
Au cours de ce Webinar, quelques points marquants ont particulièrement retenu notre attention.
D’abord les intervenants insistent : certes on assiste à une décentralisation intéressante des populations en France mais celle-ci bénéficie aux grandes métropoles régionales plus qu’aux villes moyennes, toujours confrontées à de grandes difficultés pour attirer habitants et emplois. Face aux crises notamment, comme le précise Cevan Torossian, ce sont les grandes aires urbaines qui font preuve de la meilleure résilience. Benoist Apparu pointe à cette occasion un phénomène très français : la métropolisation ne s’est pas faite aux détriments de la surpuissance de l’Ile de France, mais par aspiration des villes moyennes. S’y ajoute un transfert net des populations du quart nord-est vers l’axe atlantique et le bassin méditerranéen.
Et contrairement à ce que d’aucuns affirment, ce n’est pas le prix du logement qui s’avère le facteur prédominant, puisque ce sont les grandes métropoles et Paris qui continuent à afficher les indices démographiques les plus importants. Le Ministre est catégorique : « Ce n’est pas le prix de l’immobilier qui attire les flux de population, c’est l’emploi »
Bien sûr d’autres facteurs viennent s’ajouter, formant un système vertueux comme à Reims, ville où chaque année environ une trentaine d’entreprises nouvellement arrivées créent plus de 500 emplois supplémentaires. La facilité d’accès par rapport à Paris reste un point dominant de ce développement. Mais d’autres avantages viennent s’ajouter : l’absence d’embouteillages, la moindre pollution, le prix de l’immobilier, la fuite de l’anonymat citadin, le rejet d’un environnement essentiellement minéral…Surtout, ne pas retrouver les problématiques de Paris !
Retenons aussi le concept de bassin d’emplois plutôt que de région ou territoire aux limites essentiellement administratives. Comme le souligne Charlotte Sorrin Descamps « Les délimitations administratives ne sont pas les réalités des flux des populations au quotidien qu’il s’agisse de leurs actes d’achat, de soins, de travail ou d’études.»
A Bordeaux ou à Reims, on observe une recherche de partenariat avec des villes beaucoup plus petites dont la complémentarité est néanmoins évidente.
Un point particulièrement important est évoqué : la nécessité de retenir et d’attirer au sein des villes moyennes les jeunes, en particulier les étudiants. Reims par exemple s’attache à faire venir des instituts d’enseignement supérieur sur son territoire. Jean-Yves Heyer le dit de façon très directe : « Dans une ville, il faut voir des jeunes pour qu’elle soit considérée comme une ville dynamique ». Benoist Apparu ne dit pas autre chose lorsqu’il cite comme condition essentielle d’attractivité la reconquête des étudiants. « Un jeune qui part faire ses études ailleurs ne revient pas. Il faut recréer de l’enseignement supérieur dans nos villes moyennes. Paris doit être dédiée à la compétition mondiale, les grandes métropoles doivent s’inscrire dans une compétition européenne mais pour des filières plus courtes, il faut absolument que les instituts d’enseignement supérieur se développent sur l’ensemble du territoire. Et si possible dans les centre-villes.»
Et ce sujet fait partie de la reconquête de la centralité, enjeu majeur pour les villes moyennes aujourd’hui. Ces dernières ont une tendance encore plus importante que les métropoles à la péri-urbanisation avec la possibilité de construire moins cher et plus grand en s’éloignant du centre. La première cause mondiale du réchauffement climatique étant l’étalement urbain, il est indispensable lui donner un coup d’arrêt et donc d’accepter la densité urbaine. La programme « Action cœur de ville » est dans ce contexte tout à fait opportun. « On ne peut pas continuer à consommer du foncier agricole. Il faut absolument travailler sur la redensification. » martèle Christine Sorrin Descamps. Benoist Apparu insiste sur la nécessité de faire revenir en centre-ville de l’activité de façon générale. « C’est la vie en centre-ville qui attirera les commerces et pas l’inverse ». Cevan Torossian précise que sur les 7 millions d’habitants supplémentaires comptabilisés en France depuis 20 ans, l’augmentation a été de 5% dans les centres-villes des grandes agglomérations, de 14% dans les proches périphéries et de 25% dans les zones périurbaines. 3 millions de logements restent vacants en France, principalement dans les petits centres urbains. Il y a vraiment un enjeu de densification et de revitalisation de ceux-ci. Pour les seniors aussi, un centre vivant avec services et produits à proximité ne peut être que souhaitable.
En ce qui concerne l’impact de la crise du Covid19, Bordeaux Métropole, par exemple, a connu une création d’emplois salariés nets privés de 43000 emplois entre 2014 et 2020, avec une dynamique qui s’est accélérée à partir de 2016 avec l’arrivée de la LGV. A ce jour le Covid a déjà entrainé dans la Métropole la suppression de 15000 emplois, un recul d’à peu près deux ans sur la création net d’emplois toute récente! L’avenir économique à court terme est donc très incertain.
Pour Reims par contre Jean-Yves Heyer constate que cette crise semble se transformer en opportunités, et c’est un pic de 2000 emplois supplémentaires que la ville va connaître en 2020 ! La fuite devant la pandémie vient s’ajouter à ses atouts, militant pour un départ de la capitale. Les crises comme le Brexit ou le Covid ont fait prendre conscience aux entreprises des économies de coûts importantes qu’elles pouvaient réaliser en matière de location de bureaux tout en offrant aux salariés des possibilités de télétravail dans des conditions de vie optimum ; à savoir des logements plus spacieux, dans un environnement plus verdoyant, sans recours excessifs aux transports en commun.
Les intervenants sont néanmoins encore interrogatifs quant à la pérennité de la tendance observée. Quitter la capitale pour les métropoles régionales ou les villes moyennes est-il un phénomène conjoncturel ou structurel ? L’avenir dira si c’est en 2020, suite au Covid19, leur que leur attractivité s’est développée en France ..